En général, le rôle de personne proche aidante émerge lentement d’un rôle qui existait auparavant (conjoint, enfant, frère ou sœur, parent, ami, voisin, etc.) (Orzeck, 2016). Ce rôle s’inscrivait dans une relation entre deux personnes où il y avait une forme d’équilibre entre les rôles et les responsabilités départagées. Cet équilibre change lorsque l’une des personnes de la relation a besoin de soins. Si cette personne a besoin de plus en plus de soutien (augmentation de la quantité et de l’intensité des soins), l’autre peut assumer ces tâches de soins dans le cadre de ses responsabilités.
Dans certains cas, le niveau de besoin reste le même mais peut durer de nombreuses années, comme dans le cas d’une maladie chronique. Ces changements dans la relation ont également un impact sur l’identité personnelle de la personne proche aidante et de la personne aidée.
Toutefois, avant de considérer les phases de la proche aidance, il est important de se rappeler quelques points essentiels:
- Tout d’abord, il faut reconnaître que votre expérience est unique, tout comme la relation que vous entretenez avec cette personne. Même si vous avez déjà eu des expériences de proche aidance et des vécus de deuil dans le passé, les circonstances particulières de ce rôle et de cette relation sont différentes. Se comparer à d’autres personnes n’est pas toujours entièrement représentatif de votre expérience. Il faut prendre en considération l’ensemble des éléments en cause.
- La proche aidance peut commencer lentement, mais elle peut aussi commencer très soudainement. Dans les situations où l’état de santé d’une personne change soudainement (comme un accident vasculaire cérébral, une blessure, un accident ou la naissance d’un bébé atteint d’une maladie limitant sa qualité de vie), une personne peut se retrouver très rapidement dans un rôle de personne proche aidante. Bien que les phases initiales décrites ci-dessous puissent ne pas s’appliquer dans toutes les situations, l’impact de la prise en charge sur l’identité de la personne proche aidante et sur le deuil est toujours pertinent.
Pour mieux comprendre les changements de rôle et d’identité que peut vivre une personne proche aidante, il peut être utile d’envisager la trajectoire de la proche aidance en plusieurs phases (Montgomery & Kosloski, 2012). Ces phases ne sont pas unidirectionnelles, ce qui signifie qu’une personne peut passer d’une phase à l’autre dans l’une ou l’autre direction en fonction des circonstances. Ces phases ne sont pas limitées dans le temps. La personne proche aidante peut ressentir un stress important au fur et à mesure que les phases évoluent, en raison des aspects nouveaux, inconnus et imprévisibles du changement. Il est important de se rappeler que même si cette représentation peut mettre en lumière la progression de l’impact de la proche aidance, elle peut ne pas être représentative de votre expérience.
Figure 1. Phases de la trajectoire de la proche aidance
Phase 1:
La personne proche aidante (partenaire, enfant, frère ou sœur, ami, etc.) commence à aider l’autre dans certaines tâches qui ne faisaient pas partie de son rôle au départ. Le transfert de la responsabilité de ces tâches entraîne des changements mineurs dans l’équilibre des rôles et des relations. Il peut s’agir, par exemple, de rappeler à la personne ses activités quotidiennes, de l’appeler plus souvent pour prendre de ses nouvelles, de l’accompagner à un rendez-vous médical occasionnel, etc. Comme ces tâches représentent de petits changements, les personnes proches aidantes ne reconnaissent probablement pas encore ce nouveau rôle d’aidant. Elles conservent leur identité principale de conjoint, d’enfant, de frère ou de sœur, ou d’ami dans la relation, les soins ne représentant qu’une petite partie de leur rôle (voir figure 1).
Phase 2:
La personne proche aidante (conjoint, enfant, frère ou sœur, ami, etc.) commence à assumer davantage de tâches qui dépassent ses responsabilités habituelles. L’équilibre des rôles et des responsabilités entre les deux personnes se fait sentir de manière plus importante. Des exemples de cette phase peuvent inclure l’organisation et la coordination des services de soins de santé, les courses à l’épicerie, etc.
L’identité de la personne proche aidante se développe lentement à mesure que les besoins de la personne aidée augmentent en quantité et en intensité et que la relation antérieure devient moins familière au fil du temps. (Eifert et al., 2015, p. 364)
À ce stade, la personne proche aidante peut commencer à reconnaître la nouvelle réalité et son nouveau rôle de proche aidant, mais elle conserve son identité habituelle de conjoint, d’enfant, de frère ou de sœur, ou d’ami.
Phase 3:
La personne proche aidante (conjoint, enfant, frère ou sœur, ami, etc.) est maintenant activement impliquée dans le rôle à mesure que les besoins de l’autre s’accroissent. Cette phase exige de la personne proche aidante qu’elle consacre beaucoup plus de temps et d’énergie, et l’équilibre des rôles et des responsabilités dans la relation s’en trouve considérablement modifié. Les tâches ménagères, la préparation des repas, la poursuite de la coordination des soins de santé, l’aide à la gestion des finances, etc. sont autant d’exemples de cette phase. Ce rôle de personne proche aidante empiète souvent sur les autres rôles, les loisirs et les relations de la personne, ce qui influe considérablement sur son identité.
Phase 4:
À ce stade, la prestation de soins est un engagement important en raison de l’intensité et de la quantité des besoins de la personne aidée. La prestation de soins devient souvent le rôle principal et l’identité de la personne proche aidante en raison de l’importance qu’elle revêt sur le plan physique, mental, émotionnel, social et même financier (voir figure 1). Les exemples de cette phase peuvent inclure la préparation des repas, toutes les tâches ménagères, l’entretien général de la maison, la gestion des finances, l’aide à la personne pour l’habillement, l’hygiène corporelle, l’élimination, l’alimentation, les déplacements et la mobilité.
Phase 5:
Cette phase correspond au moment où la personne proche aidante n’est plus responsable de la prise en charge de la personne aidée en raison d’un changement de situation. Dans certains cas, ce changement peut être le transfert dans un établissement de soins. Cependant, l’hébergement de la personne aidée ne permet pas toujours à la personne proche aidante de se sentir libérée de son rôle ou de ses responsabilités. Un autre changement qui peut conduire la personne proche aidante à ne plus être responsable des soins est le décès de la personne aidée. Ceci peut entraîner un retour au rôle initial de la personne en tant que conjoint, enfant, frère ou sœur, ami, voisin, etc. envers la personne aidée. Ce moment est défini comme la phase de la post-aidance.
Post-aidance:
La post-aidance fait référence à la période au cours de laquelle la prestation de soins a pris fin. Cela peut être dû au décès de la personne aidée ou à d’autres circonstances de la vie (comme un déménagement dans une résidence privée pour personne en perte d’autonomie ou un hébergement dans un établissement de soins). Ce site web se concentre spécifiquement sur la post-aidance, car les personnes proches aidantes continuent d’être affectées par leur rôle pendant et après les phases actives de la proche aidance.
De nombreuses personnes croient à tort que les besoins de la personne proche aidante disparaissent après le décès et qu’elle peut désormais « passer à autre chose ». En réalité, certaines personnes proches aidantes ont besoin de soutien durant cette phase. Le deuil est différent pour les personnes proches aidantes par rapport aux personnes qui ne jouent pas un rôle d’aidant. La post-aidance est une partie importante de la trajectoire de la proche aidance et doit être considérée comme telle.
Qu’avez-vous appris sur la post-aidance que vous ne saviez pas auparavant?
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Références
Eifert, E. K., Adams, R., Dudley, W., & Perko, M. (2015). Family caregiver identity: A literature review. American Journal of Health Education, 46(6), 357-367. https://doi.org/10.1080/19325037.2015.1099482
Montgomery, R. J., & Kosloski, K. D. (2012). Pathways to a caregiver identity and implications for support services. In Caregiving across the lifespan: Research• practice• policy (pp. 131-156). New York, NY: Springer New York. https://doi.org/10.1007/978-1-4614-5553-0_8
Orzeck, P. (2016). Identities in transition: Women caregivers in bereavement. Journal of social work in end-of-life & Palliative Care, 12(1-2), 145-161. https://doi.org/10.1080/15524256.2016.1165162