Lorsqu’une personne assume le rôle et les responsabilités de proche aidant, sa vie entière est affectée. Parfois, la relation entre la personne proche aidante et la personne aidée peut devenir perturbée en raison du niveau de dépendance et des besoins (Orzeck, 2016). Dans certains cas, la personne proche aidante passe de nombreuses années à s’occuper d’une personne vulnérable et réorganise sa vie autour du rôle de personne proche aidante.
Les recherches ont démontré que le soutien apporté peut avoir des répercussions sur la santé physique, émotionnelle et psychologique d’une personne (Bom et al., 2019). Selon la situation, certaines personnes proches aidantes renoncent également au travail et aux réseaux sociaux afin de réorienter leur temps et leur énergie vers la prestation de soins. Ce désengagement de leurs routines habituelles peut accroître l’isolement social, ce qui peut avoir une incidence négative sur leur expérience du deuil (Breen et al., 2020b).
Les études indiquent également que la trajectoire de la personne proche aidante peut entraîner des changements profonds et parfois irréversibles dans son identité (Orzeck, 2016). Le sens de la vie de la personne peuvent devenir liés au rôle de personne proche aidante. Selon les circonstances, la personne proche aidante peut également avoir déjà vécu [un deuil blanc] lorsque que la personne dont elles s’occupaient était encore en vie (Boss, 2010).
En outre, les effets de la proche aidance ne s’arrêtent pas au décès de la personne aidée. La post-aidance fait référence à la période qui suit la fin de la prestation de soins. La phase de la post-aidance comporte son lot de défis auxquels la personne proche aidante peut être confrontée, notamment l’acceptation de ses pertes, l’adaptation à la nouvelle réalité et la reconstruction de sa vie ainsi que de son identité. Dans certains cas, le rôle et l’identité de la personne proche aidante peuvent englober tout et il peut être très difficile pour la personne proche aidante de s’adapter au décès.
Les expériences du deuil sont un processus difficile, intime et différent pour chacun d’entre nous.
Elles ne sont ni prévisibles ni limitées dans le temps.
Cependant, le deuil d’un proche est vécu différemment par les personnes proches aidantes par rapport aux personnes qui n’ont pas été impliquées dans la proche aidance (Breen et al., 2020a). Une étude australienne comparant le deuil, la qualité de vie et l’état de santé général des personnes proches aidantes et des personnes non proches aidantes a mis en évidence un impact significatif sur l’expérience du deuil avant et après le décès. Par rapport aux personnes non proches aidantes, ce sentiment pendant la proche aidance était comparable à ce qu’il était 3-4 mois après le décès. Il a fallu 9-10 mois après le décès pour que le deuil, la qualité de vie et l’état de santé général des personnes proches aidantes reviennent à un niveau comparable au groupe de contrôle (Breen et al., 2020a, p. 150-151). Ainsi, il peut falloir beaucoup plus de temps à une personne proche aidante pour s’adapter à la nouvelle réalité et reconstruire sa vie en raison de tout ce qu’elle a vécu durant son accompagnement.
Le rôle et la relation en tant que personne proche aidante sont également perdus, ce qui diffère de l’expérience de deuil des personnes non proches aidantes qui vivent le deuil de la personne décédée. Tous les professionnels de la santé et des services sociaux qui ont pu travailler avec la personne aidée vont probablement fermer le dossier après le décès, laissant la personne proche aidante endeuillée encore plus isolée. Il est également possible que le personne proche aidante endeuillée ressentent des pertes cumulées, en raison de diverses pertes personnelles, et des sacrifices au cours de la trajectoire de la proche aidance.
« Dans la post-aidance, la perte d’un être cher a été cumulée avec la perte du sentiment quotidien d’utilité et de fonction, ainsi qu’avec la perte du réseau social lié à la proche aidance. » (Orzeck, 2016, p. 155)
Après avoir ajusté sa vie afin de prendre soin de son proche, la personne proche aidante doit s’adapter à nouveau à son identité dans le cadre du deuil. Dans certaines situations, cela nécessite que la personne proche aidante réévalue ses rôles et reconstruise la vie qu’elle souhaite mener après la perte (Holtslander et al., 2017).
Une personne proche aidante qui a passé beaucoup de temps à revendiquer pour la personne aidée au sein des systèmes de soins de santé peut avoir pris l’habitude de concentrer son attention sur les besoins d’autrui. Malheureusement, cela signifie que la personne proche aidante néglige parfois ses propres besoins; par exemple, son suivi médical et l’accès aux services de soutien pour elle-même. De plus, la personne proche aidante peut avoir été considérée et traitée par les équipes de soins de santé comme un substitut du patient, et non comme un individu ayant ses propres besoins et expériences. Ces pertes au fil du temps peuvent exacerber les difficultés liées au deuil.
Facteurs influençant le deuil
Évidemment, l’expérience de chaque personne proche aidante est différente et peut être influencée par de nombreux facteurs. Dans un résumé de la recherche sur les expériences des personnes proches aidantes endeuillées, Holtslander et al. (2017) ont noté que l’impact de l’offre de services pour le deuil varie également en fonction de ces facteurs:
- le type de relation entre la personne proche aidante et la personne aidée
- la nature de la maladie et du décès
- la nature des adieux de la personne proche aidante à la personne aidée
- la planification préalable de la perte
- le sentiment d’avoir fait de son mieux
- la satisfaction perçue des expériences vécues avec les intervenants tout au long du parcours de la proche aidance
Les aspects de l’identité, tels que le genre et l’orientation sexuelle, peuvent également avoir un impact sur les expériences de deuil de l’individu (Holtslander et al., 2017).
Dans l’ensemble, bien que le deuil représente un défi pour tout le monde, l’expérience est différente pour la personne proche aidante par rapport à la personne qui n’était pas dans un rôle d’aidante. Pour cette raison, la personne proche aidante ne se sent pas toujours comprise par d’autres personnes dans les services ou groupes de soutien pour endeuillés. Il est particulièrement important que les membres de la famille, les amis, les communautés et les professionnels de la santé et des services sociaux soient conscients de cette différence et y soient sensibles lorsqu’ils apportent leur soutien aux personnes proches aidantes endeuillées.
Si vous êtes une personne proche aidante endeuillée, il peut être important pour vous de reconnaître votre expérience unique de ce deuil. Sachez que vous n’êtes pas seul à vous sentir ainsi et qu’il existe des ressources à votre disposition. Le projet Connexion pour les personnes proches aidantes endeuillées a été créé pour répondre à ce besoin: la reconnaissance des réalités et des expériences uniques des personnes proches aidantes endeuillées. Notre mission est d’accroître le soutien par le partage des connaissances, des compétences et des ressources.
Pour en savoir plus sur les mythes qui entourent le deuil des personnes proches aidantes cliquez ici.
Pour accéder aux ressources destinées aux personnes proches aidantes, aux familles, aux amis, aux professionnels et intervenants, cliquez ici.
Votre expérience de deuil est-elle différente parce que vous avez été une personne proche aidante?
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Ce blog a été adapté à partir d’un rapport rédigé par l’équipe de la CPPAE intitulé Challenges Facing Bereaved English-Speaking Caregivers in Quebec: A Review of the Risks and Protective Factors for the OLMC. A report prepared for the Community Health & Social Services Network (2022).
Références
Bom, J., Bakx, P., Schut, F., & Van Doorslaer, E. (2019). The impact of informal caregiving for older adults on the health of various types of caregivers: A systematic review. The Gerontologist, 59(5), e629-e642. https://doi.org/10.1093/geront/gny137
Boss, P. (2010). The trauma and complicated grief of ambiguous loss. Pastoral Psychology, 59(2), 137-145. https://doi.org/10.1007/s11089-009-0264-0
Breen, L. J., Aoun, S. M., O’Connor, M., Johnson, A. R., & Howting, D. (2020a). Effect of caregiving at end of life on grief, quality of life and general health: A prospective, longitudinal, comparative study. Palliative Medicine, 34(1), 145–154. https://doi.org/10.1177/0269216319880766
Breen, L. J., Kawashima, D., Joy, K., Cadell, S., Roth, D., Chow, A., & Macdonald, M. E. (2020b). Grief literacy: A call to action for compassionate communities. Death Studies, 46(2), 425–433. https://doi.org/10.1080/07481187.2020.1739780
Holtslander, L., Baxter, S., Mills, K., Bocking, S., Dadgostari, T., Duggleby, W. & Peacock, S. (2017). Honoring the voices of bereaved caregivers: A metasummary of qualitative research. BMC Palliative Care, 16(1), 1-18. https://doi.org/10.1186/s12904-017-0231-y
Orzeck, P. (2016). Identities in transition: Women caregivers in bereavement. Journal of social work in end-of-life & Palliative Care, 12(1-2), 145-161. https://doi.org/10.1080/15524256.2016.1165162